Les tribulations d’Arthur Mineur

Andrew Sean Greer, éditions Jacqueline Chambon/Actes Sud, janvier 2019, 253 pages, 22€

 

Arthur Mineur va avoir cinquante ans et il est, de son propre avis, un écrivain mineur, un homosexuel mineur, un homme mineur. Son plus haut fait de gloire est d’avoir été l’amant et la muse d’un fameux poète (fameux au point d’avoir eu le prix Pulitzer, malicieux clin d’œil du destin qui attribua ce même prix… aux « Tribulations… » !), Robert Brownburn, lorsqu’il était jeune. Arthur Mineur va avoir cinquante ans, et il vient d’apprendre le mariage prochain de son dernier amant, Freddy, qu’il aimait peut-être, ou qu’il avait peur d’aimer, avec lequel en tous cas il ne voulait pas s’engager ; et cela le désespère. Alors pour pouvoir fuir ce mariage auquel il a été convié, il décide d’accepter toutes les propositions de remise de prix, de cours, de voyage… qui le tiendront éloigné un moment de San Francisco. Ainsi démarrent ces « Tribulations ». Lire la suite « Les tribulations d’Arthur Mineur »

L’Empreinte

Alexandria Marzano-Lesnevich, Sonatine Editions, janvier 2019, 471 pages, 22 €

Ce livre est un objet littéraire étrange et prenant. Du récit d’un crime : on pense en le lisant à « De sang-froid » de Truman Capote, ou parfois, à certains livres de Philippe Jaenada comme « La Serpe » ou « Petite femelle ». Alexandria Marzano-Lesnevich fait le récit d’un crime horrible, le meurtre d’un petit garçon de six ans, Jeremy, par Ricky Langley, qui l’aurait peut-être également violé (le doute subsiste). Mais au-delà de ce récit, ce qui rend ce livre bouleversant est la propre histoire de l’auteure, les abus sexuels qu’elle a subis, enfant, de la part de son grand-père. Les deux s’entremêlent finement. Lire la suite « L’Empreinte »

Se défendre – Une philosophie de la violence

Elsa Dorlin, éditions La Découverte, coll. Zones, octobre 2017, 252 pages, 18€

Elsa Dorlin, professeure de philosophie à l’Université Paris 8, kung-fu fighter, et militante féministe, propose dans cet ouvrage de retracer une généalogie de l’autodéfense politique. Elle analyse diverses situations dans l’Histoire où la violence a pu constituer une ressource ultime pour des individus dont on niait la qualité de sujets. De la révolte des esclaves à Saint-Domingue en 1791 à l’autodéfense organisée de communautés LGBT à San Francisco dans les années 1970 en passant par le mouvement suffragiste anglais (dont les militantes pratiquaient l’art martial japonais du ju-jitsu pour faire face à la brutalité policière), l’auteure retrace ainsi de manière passionnante les techniques corporelles d’autodéfense mobilisées par divers groupes dominés à travers l’histoire. Lire la suite « Se défendre – Une philosophie de la violence »

On la trouvait plutôt jolie

Michel Bussi, Pocket, octobre 2018, 537 pages, 7,90€

Michel Bussi nous plonge à la perfection dans une intrigue pleine de suspense et de surprises. Un suspense qui dure jusqu’aux dernières pages, et dont on peut imaginer tous les dénouements possibles, ce ne sera jamais le bon. L’auteur nous perd sur des chemins hypothétiques, nous induit en erreur pour mieux nous étonner. Lire la suite « On la trouvait plutôt jolie »

La plus précieuse des marchandises

Jean-Claude Grumberg, Seuil, coll. La librairie du XXIe siècle, janvier 2019, 110 pages, 12€

Il y a des livres dont, en les refermant, on sait qu’ils marqueront. Il y a des livres si forts qu’ils imprègnent, qu’ils tournent dans notre tête, qui, après même leur lecture, poursuivent leur vie, autonomes. Hier soir, j’ai lu d’une traite, sans m’arrêter, « La plus précieuse des marchandises » ; je l’ai posé ; et le livre a continué à vivre. J’ai rêvé de trains toute la nuit… Un conte pour dire l’irracontable, qui a pourtant été si souvent et avec tant de force décrit par d’autres ; mais il ne s’agit pas là d’un livre de plus. Il s’agit d’un grand livre. Car parfois les choses les plus simples sont les plus belles et les plus fortes. Lire la suite « La plus précieuse des marchandises »

Bacchantes

Céline Minard, Rivages, janvier 2019, 106 pages, 13,50€

 

Honk-Kong. Un typhon s’approche. Dans un bunker hautement sécurisé se déroule une prise d’otage hors norme. Ici, ce ne sont pas des êtres humains qui sont retenus, mais des bouteilles de vin. Des bouteilles évaluées à près de 350 millions d’euros. Voilà le début de « Bacchantes » de Céline Minard. Trois séquestreuses, une capitaine chargée de l’enquête, un négociateur, le « gardien » des bunkers (un ancien ambassadeur à la retraite) : voici les protagonistes du roman. Lire la suite « Bacchantes »

La vraie vie de Vinteuil

Jérôme Bastianelli, Grasset, coll. Le courage, janvier 2019, 270 pages,

Tout fan de Proust se doit de lire ce livre !

Le propos de l’auteur, Jérôme Bastianelli, est simple, mais original : inventer la vie de Georges Vinteuil, ce musicien qui tient une place si importante dans la « Recherche », notamment comme étant l’auteur de la « petite sonate », celle qui berce la naissance d’ « Un amour de Swann ». D’ailleurs, l’exergue, issu de « Du côté de chez Swann » résume bien l’intention : « La pensée de Swann se porta pour la première fois dans un élan de pitié et de tendresse vers ce Vinteuil, vers ce frère inconnu et sublime qui lui aussi avait dû tant souffrir ; qu’avait pu être sa vie ? au fond de quelles douleurs avait-il puisé cette force de Dieu, cette puissance illimitée de créer ? » L’auteur va donc s’attacher dans ce roman à répondre à cette question posée par Proust, en inventant la vie de ce Vinteuil. Lire la suite « La vraie vie de Vinteuil »

Les Porteurs d’eau

Atiq Rahimi, P.O.L, janvier 2019, 286 p., 19€

1er février, premier coup de cœur du mois !

Ce livre, « Les Porteurs d’eau », démarre le 11 mars 2001, tandis que les Talibans détruisent les deux Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, et il entremêle les fils de deux histoires merveilleuses (« merveilleuse » dans tous les sens du terme : qui suscite l’étonnement et l’admiration, mais aussi qui relève du prodige ou de la magie). L’une prend place en France, où Tom, Français d’origine afghane, se réveille un matin pour quitter le domicile conjugal et rejoindre son amante à Amsterdam. La deuxième se situe à Kaboul, où Yûsef se réveille une nouvelle fois aux côtés de sa belle-sœur, la femme de son frère, pour laquelle il éprouve des sentiments qui le dépassent, des sentiments qu’il ne sait pas nommer mais qui ressemblent à l’amour. Lire la suite « Les Porteurs d’eau »