Elsa Dorlin, éditions La Découverte, coll. Zones, octobre 2017, 252 pages, 18€
Elsa Dorlin, professeure de philosophie à l’Université Paris 8, kung-fu fighter, et militante féministe, propose dans cet ouvrage de retracer une généalogie de l’autodéfense politique. Elle analyse diverses situations dans l’Histoire où la violence a pu constituer une ressource ultime pour des individus dont on niait la qualité de sujets. De la révolte des esclaves à Saint-Domingue en 1791 à l’autodéfense organisée de communautés LGBT à San Francisco dans les années 1970 en passant par le mouvement suffragiste anglais (dont les militantes pratiquaient l’art martial japonais du ju-jitsu pour faire face à la brutalité policière), l’auteure retrace ainsi de manière passionnante les techniques corporelles d’autodéfense mobilisées par divers groupes dominés à travers l’histoire.
Son dernier chapitre m’a particulièrement bouleversée (et m’a donné aussi très envie de me mettre sans trop tarder à la boxe anglaise et au ju-jitsu !). Elsa Dorlin y développe le concept de « phénoménologie de la proie », à partir d’une analyse du livre d’Helen Zahavi, Dirty Week-end. Dans ce livre, le personnage principal, Bella, se transforme en «serial killer féministe » suite à une petite prise de conscience sur l’omniprésence des violences exercées sur les femmes dans la société.
« Si nous sommes toutes un peu Bella, c’est aussi parce que, comme Bella, nous avons d’abord commencé à ne pas plus sortir à certaines heures, dans certaines rues, à sourire quand un inconnu nous interpellait, à baisser les yeux, à ne pas répondre, à presser le pas quand nous rentrions chez nous…et comme Bella, nous avons dépensé beaucoup d’énergie à croire que notre perception de cette situation n’était pas digne de faire sens, qu’elle n’avait pas de valeur, de réalité : à dissimuler nos intuitions et nos émotions. »
Apprendre à se défendre, cela reviendrait alors à remplacer les tactiques de déni et de fuite que l’on peut avoir face à des comportements agressifs (et qui correspondent déjà à des tactiques d’autodéfense) par des stratégies d’autodéfense (déchirer les ligaments du genou de l’agresseur par exemple, apparemment cela s’apprend facilement !) afin d’exister, de se réaffirmer comme sujet politique. Pour Elsa Dorlin, « il ne s’agit pas d’apprendre à se battre, mais de désapprendre à ne pas se battre. »
Alors ce livre il est pour qui ? Il est à lire de toute urgence par toutes les femmes, maintenant, surtout celles qui encore peur dans l’espace public, parfois même sans s’en rendre compte. Il est à lire par tous les hommes bien sûr, sans aucune distinction. Il est à lire surtout par tous les parents (de garçons et de filles) pour nous permettre à tou.te.s de construire une société enfin différente, et sortir de notre société patriarcale étouffante.
Margaux
Il s’agit là manifestement d’un de ces ouvrages qu’il faudrait distribuer au sein des collèges et lycées de France et œuvrer pour une prise de conscience précoce!
Je vais m’empresser de lire ce livre, merci Margaux!
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Il est dans ma PAL car une amie me l’a prêté l’été dernier. Ton retour me donne encore plus envie ! J’espère pouvoir le commencer en fin de semaine 🙂
Merci pour ton retour.
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