Beloved

Toni Morrison, 10/18, 429 p., 2011 (1987 pour la première édition américaine)

« Beloved » c’est l’histoire d’une disparition, au milieu de la grande histoire de l’esclavagisme, dans le Sud des Etats-Unis. Un livre splendide, un grand classique, servi par une langue exceptionnelle.

De la première à la dernière page, Toni Morrison plonge le lecteur dans la mystérieuse maison, désignée par le seul chiffre 124, où il découvre rapidement l’étrange mais forte présence de l’esprit de Beloved, morte en étant encore une petite fille. Son âme, par des murmures et des fracassements d’objets, rappelle constamment sa mort prématurée aux locataires du 124, qui ne sont autres que sa mère et sa sœur.

L’auteure nous emmène donc d’une pièce à l’autre de cette maison, à la suite des vies silencieuses de ces deux figures féminines, anciennes esclaves noires du « Bon Abri ». Mais cette maison devient aussi un lieu de passage pour d’autres, où les souvenirs de la grand-mère morte s’entremêlent aux apparitions de nouveaux personnages qui s’immiscent brutalement dans la vie du 124, avant de disparaître plus tard, tout aussi promptement. Comme la légèreté du fantôme se mouvant dans l’invisible, le livre semble n’être qu’un long courant d’air, tourbillonnant entre le passé et le présent, le monde des morts et celui des vivants, et dont les frontières de ces univers se brouillent de plus en plus.

Enfin le lecteur navigue de part et d’autre de la rupture historique qu’est la Guerre de Sécession, quand les fragments de vies des personnages se juxtaposent aux images de torture, de viols et autres inhumanités passées sous silence, qui leur collent à la peau et qu’ils ne peuvent oublier. Et malgré ce certain silence sur le passé et les mots absents vivants entre les personnages, le lecteur voit et ressent. Car en effet il se sent endosser le rôle de spectateur invisible et contemple cette femme noire, devenue libre mais qui essaye de lutter pour vivre. Tout en ne pouvant oublier. Son amour maternel pour ses enfants morts ou vivants est finalement la clé de voûte du livre.

Alors ce livre il est pour qui ? Il est pour ceux qui veulent se laisser emporter par un surréalisme imagé mais ancré en pleine période post-guerre de Sécession ou simplement pour ceux qui souhaiteraient découvrir la langue de Toni Morrison, pleine d’une poésie envoûtante.

Lou

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