Catherine Meurisse, Dargaud 2021, 114 pages, 22,50€
Catherine Meurisse était en résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto en 2018 et ce livre est en le fruit. Largement inspiré du roman de Soseki « Oreilles d’herbes », il met en scène la dessinatrice qui, en mal d’inspiration, croise le chemin d’un peintre lui-même en mal d’inspiration. Le dessin de Catherine Meurisse est aussi merveilleux et fin que d’habitude, le côté japonisant en plus lui apporte un surplus d’esthétisme, qui en fait un véritable bijou.
Voici donc deux peintres en mal d’inspiration, Catherine Meurisse qui se doit de profiter de sa résidence pour peindre ; un peintre qu’elle croise qui cherche à tout prix à saisir dans ses pinceaux une femme, « l’expression d’une femme », dont l’image fuit devant lui. Leur pas les conduisent dans une auberge jouxtant un lac salé, mystérieux endroit où s’est noyée la demoiselle Nami. Demoiselle dont on va bien sûr nous conter l’histoire. Au passage on croisera un tanuki (créature surnaturelle au croisement du chien et du rayon-laveur) facétieux et des fantômes malicieux.
Au-delà de ces contes entremêlés, et d’un hommage à la culture japonaise, c’est une véritable réflexion sur la création, mise en abîme au traves les siècles, à laquelle on assiste. Et, de façon assez proustienne (ahlala je prépare une rencontre autour de Proust, je ne peux m’en empêcher désolée !!!), on nous raconte l’histoire d’une impuissance à créer qui, finalement, fait une très bonne histoire !
Et puis il y a le dessin, un dessin magique, la reproduction d’une nature foisonnante, des couleurs froides et intenses, pastellisées. Un univers surgit au fil des pages, où l’inspiration du pays imprègne chaque dessin, mêlant habilement la tradition des estampes japonaises et celle de la bande dessinée (mais sont-elles si éloignée l’une de l’autre finalement ? On pourrait en douter en admirant Hiroshige ou encore Hokusai, largement cité dans cette BD). Certaines planches, de toute beauté, sont de véritables œuvres d’art.
Voilà une bande dessinée qui se lit une première fois pour l’histoire. Une deuxième pour le dessin. Puis qui se garde, pour être relue et re-relue, ou juste pour s’immerger dans ce pays de « l’autre bout du monde ».
Alors cette bande dessinée elle est pour qui ? Tous les amoureux du Japon y trouveront leur compte évidemment. Ou ceux qui veulent voyager sans bouger de leur canapé. Ceux qui aiment rêver, tout simplement. Ceux qui aiment les histoires féériques et magiques. Un gros coup de cœur !
Marie-Eve