Pleine et douce

Camille Froidevaux-Metterie, Sabine Wespieser, janvier 2023, 216 p., 20€

Immense coup de cœur pour ce premier roman de Camille Froidevaux-Metterie, que l’on connaissait déjà pour ses essais. Et ce premier roman-là, c’est, à n’en pas douter, un coup de maître !

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Soit douze voix féminines qui, à tour de rôle prennent la parole. C’est Eve, huit mois, nouvelle-née, qui ouvre la ronde. Et c’est sa naissance, et la fête que veut donner sa mère Stéphanie pour la célébrer, qui fournit l’axe autour duquel s’articulent toutes ces voix. Fille donc, mère, tantes, cousine, grand-mère, nounou, grande-tante, amies… chacune sa voix propre, chacune son rapport au monde, chacune portant ses préoccupations. Désir d’enfant, acceptation (ou non) des changements liés au temps qui passe, vieillesse, premières règles, sexualité et homosexualité, désir, anorexie, amour, maternité, maladie… En quelques phrases, quelques lignes, chacune de ces femmes nous touche parce qu’elle nous parle. On a ressenti, on a vécu, ou on a côtoyé des femmes qui ont aimé, ont eu peur, ont souffert, ont changé. Toutes semblables et toutes différentes. C’est la prouesse de ce roman que de porter ces différences, dressant un tableau de la féminité du XXIe siècle dans sa diversité.

Quant aux mots pour le dire, ils sont touchants et justes, et Camille Froidevaux-Metterie a su les mettre en voix en donnant à chaque personnage sa particularité, brossant un tableau rendant compte de toutes les diversités. Aucune véhémence, aucun excès, que de la nuance : ce roman sonne juste.

Un conseil pour le savourer pleinement : ne regardez pas la table des matières finale et laissez-vous porter par la surprise de cette ronde. Ronde aussi car on ne peut s’empêcher de penser aux vers de Paul Eluard (« La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur – Un rond de danse et de douceur »), écho au titre peut-être ? et on imagine les yeux de cette petite Eve, centre du roman, celle par laquelle toutes ces femmes s’unissent, comme deux cercles inclusifs.

Alors ce livre il est pour qui ? Les femmes bien sûr ! Toutes… Un livre que l’on prendra plaisir à offrir et à partager comme un cadeau de sororité. Ou aux hommes que l’on aime, pour les faire entrer dans notre intimité !

Marie-Eve

En novembre, les livres dont on n’a PAS parlé !

Parce qu’ils ne nous ont pas ÉNORMÉMENT plu. Parce qu’au contraire, nous les avons adorés, mais qu’étant fort loin d’être les premières à le faire, sommes restées coites au moment de nous exprimer. Parce que parfois, devant la simple perspective d’extraire quelques lignes pour parler d’un monument de la littérature, nous sommes restées paralysées, puis embarquées dans un autre livre. Parce qu’en parlant entre nous, on a laissé la place à une autre, plus pressée de s’exprimer ; puis qu’ensuite, notre tour enfin venu, un autre livre avait surgi, et que la lecture DEVAIT l’emporter sur l’écriture. Parce que parfois, on ne peut pas dire « pourquoi »… Lire la suite « En novembre, les livres dont on n’a PAS parlé ! »

Les nuits de laitue

Vanessa Barbara, éditions Zulma, 2015, mai 2017 pour l’édition poche, 185 pages, 8,95€

Oh le joli petit  livre ! Et surprenant. Qui nous emmène sur des chemins que l’on ne soupçonnait pas. Qui nous fait voyager dans des contrées mélancoliques et de voisinage avant d’en aborder d’autres, que l’on n’ose qualifier ici de peur de faire perdre tout effet de surprise au lecteur. Surtout, que celui-ci fasse comme moi : qu’il se laisse attirer par une couverture chatoyante et colorée (bénies soient les éditions Zulma d’oser ainsi la couleur et les effets graphiques !), par un bandeau annonçant le « prix du premier roman étranger », obtenu en 2015. Se laisser attirer et naviguer, et accompagner dans le monde de l’auteur. Lire la suite « Les nuits de laitue »

La femme à part

Vivian Gornick, éditions Rivages, mai 2018, 17,80€

La femme à part c’est l’auteur. Vivian Gornick, femme seule par choix (« femme nouvelle », « femme libre », « femme libérée », comme l’expression est expliquée p. 132 du livre), qui déambule dans les rues de New York, délivre de courts récits des choses vues ou entendues. Le fil rouge c’est son amitié avec Leonard, qu’elle voit toutes les semaines, moment attendu et redouté, son double dans la noirceur de la vie. Ils se connaissent par coeur, s’anticipent et se redoutent, un peu, tout en aimant se retrouver, et retrouver leur propre personne dans l’autre. Amitié évidente, limpide et complexe.

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Le discours

Fabrice Caro, éditions Gallimard, collection Sygne, septembre 2018

Qu’arrive-t-il quand on demande à quelqu’un en pleine déprime post-rupture amoureuse d’écrire un discours de mariage ? Qui plus est quand il s’agit du mariage de sa soeur, bêtement amoureuse et filant la parfaite romance ? Et qui plus est en outre lorsque cette demande est formulée pendant le traditionnel repas familial où l’ennui flirte avec l’agacement ?

C’est le propos de ce livre raconté à la première personne et hilarant. Lire la suite « Le discours »

Le peintre dévorant la femme

Kamel Daoud, éditions Stock, collection Ma nuit au musée, août 2018

Déconcertée, troublée, émerveillée. Sentiments à l’image de la couverture de ce livre, qui fait rêver avec ses étoiles brillantes et désordonnées.

Je crois avoir souligné au moins une phrase par page, corné beaucoup d’autres, ce livre est sorti vivant de ma lecture ! Les phrases sont merveilleuses, poétiques et chantantes. En le finissant, je ne suis pas certaine de tout avoir bien compris ; et comme tout livre poétique, je me dis que ce n’est pas si grave, la musique et les idées aperçues et touchées suffisent, le rêve et la réflexion vont cheminer et vivre leur vie propre dans les jours à venir. Lire la suite « Le peintre dévorant la femme »

Le livre de ma mère

Albert Cohen, éditions Gallimard, collection Folio, 1954 (première parution), 192 pages

Albert Cohen écrit Le livre de ma mère en 1954 après la mort de sa mère. Ce livre lui est dédié, c’est un hommage. Dans ce livre, l’auteur écrit des moments ou des périodes de sa vie en mettant toujours en avant sa mère, les marques d’amour qu’elle lui portait. Albert Cohen utilise un champs lexical très vaste pour qualifier sa mère, il l’appelle: « ma Maman », « ma vielle Maman », « ma Maman malade » ou encore « ma petite fille chérie ».  J’ai trouvé ça très touchant, un fils qui parle comme ça de sa mère. Cela montre que Albert Cohen et sa mère n’ont pas seulement eu une relation  de fils et mère mais aussi de « père » avec sa « fille ».

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Songe à la douceur

Clémentine Beauvais, éditions Points, juin 2018, 247 pages (1re édition 2016, éditions Sarbacanes)

Quel beau pari ! Réécrire le Eugène Oneguine de Pouchkine (que j’avoue je n’avais pas lu mais dont je me suis empressée de lire le résumé , après avoir fini ce livre) en le mettant à la sauce contemporaine mais en respectant la versification.

Pour l’histoire, on ne dévoilera pas grand-chose en disant qu’il s’agit d’une histoire d’amour contrariée, à l’origine un coup de foudre de Tatiana pour Eugène, puis, plusieurs années après, un coup de foudre inversé, d’Eugène pour Tatiana. Éternelles histoires d’amour, on en fait des livres, des films ou des pièces de théâtre depuis la nuit des temps… Mais ça continue à fonctionner, surtout quand la réalisation est de cette teneur. Lire la suite « Songe à la douceur »

La chance de leur vie

Agnès Desarthe, éditions de l’Olivier, août 2018, 297 pages, version papier 19€

Sylvie, Hector, et leur fils Lester s’envolent pour les Etats-Unis, plus précisément la Caroline du Nord. On les voit s’installer dans leur nouvelle vie, Sylvie semblant contempler, dans une douce indifférence (ou « étrangeté »), le temps qui passe, Hector concentré sur son enseignement, Lester (qui se rebaptise Absalom-Absalom, « une sorte de nom composé, si vous voulez, comme Jean-Jacques ») qui tombe dans le mysticisme.

Il ne se passe pas grand-chose, des scènes infimes qui décrivent une certaine vision de l’Amérique, ou de la France vue de l’Amérique. D’ailleurs ce livre fait penser à un roman américain, dans son ton surtout, écrit avec une ironie et un détachement certains. On retrouve parfois le mordant de Laura Kasischke, et une ambiance un peu étrange, sur le fil, à nous demander ce qui va bien pouvoir arriver, et si l’histoire ne va pas basculer dans le morbide. Au final pourtant, je suis un peu restée sur ma faim, entre une histoire de jeune gourou qui ne dit pas son nom, et une histoire de couple qui se ment un peu, banale comme beaucoup d’histoires de couple. Lire la suite « La chance de leur vie »

Sorcières – La puissance invaincue des femmes

Mona Chollet, éditions La Découverte, collection Zone, septembre 2018, 240 pages, version papier 18 €

Quel parallèle entre les sorcières du Moyen Âge, chassées et tuées, souvent au nom de Dieu, et notre époque actuelle ? A première vue, rien, et pourtant.

Femmes elles étaient, femmes nous sommes. Elles faisaient peur, on les tuaient. Aujourd’hui encore, combien de femmes sont maltraitées, tuées, malmenées, blessées, dégradées, juste parce qu’elles sont… femmes ? Et encore la France n’est pas le pire endroit où vivre.

Mona Chollet circonscrit son sujet dans une introduction que personnellement j’ai jugé un peu longue. Faire la synthèse des recherches menées sur le sujet des « sorcières » en une quarantaine de pages m’a semblé dommage. On sent qu’elle s’est retenue pour ne pas faire plus long sur un sujet qu’elle maîtrise et adore. Mais une fois sorti de là, quand elle dresse le portrait de ces trois catégories de femmes d’aujourd’hui qui, par choix, se situent hors de la norme et l’assument, le propos est lumineux et passionnant. Lire la suite « Sorcières – La puissance invaincue des femmes »

Je lis, tu lis, nous lisons…

Début d’aventure du blog « Les liseuses » quelle excitation !

Notre propos : une mère et ses trois filles (pour lire qui on est, un peu, vous pouvez vous rendre ), férues de lecture, avec l’envie de partager avec le plus grand nombre ce qui fait notre quotidien : des livres lus, discutés, échangés, retrouvés, dérangés, cachés, émergés, aimés, détestés, re-relus… Bref, des lectures vivantes !

C’est un domaine où le prosélytisme a du bon, on n’en fait jamais trop. Il ne faut pas hésiter à abandonner un livre pour en trouver un meilleur (relire le livre de D. Pennac Comme un roman !!!), en feuilleter plusieurs pour trouver l’élu du moment, tout essayer, il n’y a pas de sotte lecture (enfin presque pas…), lire à voix haute avec les enfants et les plus grands, même ceux qui savent déjà lire, fermer le livre à la moindre lassitude mais en ouvrir un autre très vite, entrer dans les librairies et les bibliothèques, toucher, humer les pages imprimées, sentir le grain du papier, jouer avec les livres, objets comme un autre, écrire dessus, les corner pour en faire de drôles d’oeuvres, sculptures de feuilles pliées. Lire la suite « Je lis, tu lis, nous lisons… »