Ton absence n’est que ténèbres

Jón Kalman Stefánsson, Grasset, janvier 2022, 602 pages, 25€, traduction de l’islandais d’Éric Boury

Voici un livre où l’amour et la lumière règnent. Un livre dans lequel on s’immerge et se prélasse, comme dans l’eau sulfureuse dans laquelle se baignent deux des personnages du roman, et dont on n’a plus envie de sortir.

Tout au nord de l’Islande, au fin fond d’un fjord qui a la « forme d’une étreinte » (on vous laisse savourer la métaphore…), un homme, amnésique, cherche ses souvenirs. Ce faisant c’est l’histoire d’une famille sur plusieurs générations qu’il raconte, histoires d’amour, d’abandon, de trahison, de lumière et de ténèbres. Un des plus beaux livres qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années.

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Mahmoud ou la montée des eaux

Antoine Wauters, Verdier, août 2021, 131 pages, 15,20€


« Les mots ne sont que les bras armés du silence ». Une des phrases magnifiques de ce magnifique livre, qui dit bien, sobrement, son contenu. On n’ose dire qui le résume car comment le résumer ? Ce livre c’est un chant, un cri, une preuve s’il en était besoin que la longueur n’est pas l’aune de la valeur, et que la poésie est souvent la forme parfaite pour raconter le monde. Mieux que les mots qui décrivent, ceux qui suggèrent sont les plus forts.

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noir volcan

Cécile Coulon, Le Castor Astral, février 2020, 150 pages, 15 €

Dire que j’attendais ce livre est au-dessous de la réalité. Je l’espérais et je comptais les jours. J’avais adoré « Les Ronces », adoré aussi « Une bête au Paradis » (on peut lire un petit billet dessus ici), et me réjouissais depuis quelques semaines déjà à l’idée de retrouver la langue âpre et douce en même temps de Cécile Coulon. C’est peu dire que je n’ai pas été déçue. Comment trouver les bons mots pour vous donner envie d’ouvrir ce livre, d’y plonger les yeux fermés, en confiance ? Comment vous dire à quel point l’auteure sait trouver les raccourcis, les fulgurances, les images, qui émeuvent et percutent ? Peut-être en essayant de tourner autour du livre, de l’effleurer seulement, s’en approcher et ne surtout pas l’éventer. Essayons.

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Comment vivre en poète

Eric Poindron, Le Castor astral, février 2019, 138 pages, 15€

Ce livre est un objet indéfini. Un objet de poésie. Un livre qui donne envie de lire ; et d’écrire. Un livre-valise, que l’on a envie de garder à son chevet toujours, pour le dérouler un peu chaque jour. Un mot par-ci, une phrase par-là. Trouver le temps. Prendre un moment, une fois par hasard ou plus probablement tous les jours, ouvrir une page en se laissant porter par l’inspiration, en mâcher tous les mots, les passer d’un côté à l’autre de sa bouche, les laisser flotter. Prendre un crayon, les recopier, puis se laisser faire, un mot en appelle un autre, et une phrase, et un rêve. Lire la suite « Comment vivre en poète »

Les Porteurs d’eau

Atiq Rahimi, P.O.L, janvier 2019, 286 p., 19€

1er février, premier coup de cœur du mois !

Ce livre, « Les Porteurs d’eau », démarre le 11 mars 2001, tandis que les Talibans détruisent les deux Bouddhas de Bâmiyân en Afghanistan, et il entremêle les fils de deux histoires merveilleuses (« merveilleuse » dans tous les sens du terme : qui suscite l’étonnement et l’admiration, mais aussi qui relève du prodige ou de la magie). L’une prend place en France, où Tom, Français d’origine afghane, se réveille un matin pour quitter le domicile conjugal et rejoindre son amante à Amsterdam. La deuxième se situe à Kaboul, où Yûsef se réveille une nouvelle fois aux côtés de sa belle-sœur, la femme de son frère, pour laquelle il éprouve des sentiments qui le dépassent, des sentiments qu’il ne sait pas nommer mais qui ressemblent à l’amour. Lire la suite « Les Porteurs d’eau »

Nagori

Ryoko Sekiguchi, éditions P.O.L, octobre 2018, 136 pages, 15€

Livre à ne surtout pas mettre entre les mains de qui avait déjà envie d’aller au Japon (c’est mon cas…), sinon l’envie risque de devenir irrépressible. Toute la finesse, tout l’exotisme japonais y sont représentés.

Ce livre est un OLNI. Objet littéraire non identifié. Un récit et une leçon sur « nagori », terme japonais que l’auteur définit en plusieurs pages tellement la notion est subtile, mais qu’on peut tenter de résumer en « arrière-saison », ou « nostalgie de la saison qui vient de nous quitter ». Mais il est aussi un condensé de la subtilité japonaise, une explication des haïkus, un traité de cuisine, ou encore une réflexion sur le temps qui passe, ou sur la magie de la rencontre. En bref, un livre iconoclaste et inclassable.

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La nuit du cœur

Christian Bobin, éditions Gallimard, septembre 2018, 202 pages, 18€

Livre achevé cette nuit et je suis touchée au cœur justement. J’ai tenté de respecter ce livre magnifique publié dans la collection Blanche, dans un format inhabituel, en me contentant de noter les pages que j’aimais, mais très vite, le livre s’est retrouvée corné, gribouillé, souligné, entouré. Bercée par les mots, tous les mots, qui dansent sur la page et portent et transportent. Ce livre est un poème, une longue lettre d’amour, emplie de mysticisme (« Quand la lettre d’amour est parfaite, ce n’est même plus l’histoire de celui ou celle qui la reçoit »  sont les mots qui achèvent le livre). Lire la suite « La nuit du cœur »

Le peintre dévorant la femme

Kamel Daoud, éditions Stock, collection Ma nuit au musée, août 2018

Déconcertée, troublée, émerveillée. Sentiments à l’image de la couverture de ce livre, qui fait rêver avec ses étoiles brillantes et désordonnées.

Je crois avoir souligné au moins une phrase par page, corné beaucoup d’autres, ce livre est sorti vivant de ma lecture ! Les phrases sont merveilleuses, poétiques et chantantes. En le finissant, je ne suis pas certaine de tout avoir bien compris ; et comme tout livre poétique, je me dis que ce n’est pas si grave, la musique et les idées aperçues et touchées suffisent, le rêve et la réflexion vont cheminer et vivre leur vie propre dans les jours à venir. Lire la suite « Le peintre dévorant la femme »