Brigitte Giraud, Flammarion, août 2019, 158 p., 17€
Comment dire la différence ? Comment en prend-on conscience, comment la partage-t-on ? Comment la faire accepter aux autres ? C’est avec une grande délicatesse que Brigitte Giraud aborde ces questions à travers l’histoire de Livio et la révélation de son homosexualité.
Livio a dix-sept ans. Il passe ses journées avec Camille, qui est amoureuse de lui. Comme la plupart des adolescents, il a du mal à communiquer avec sa famille, il se cherche. En cours d’histoire, il se porte volontaire pour faire un exposé sur les autodafés dans l’Allemagne des années 30. Lui a choisi de raconter celui qui eut lieu le 6 mai 1933, lorsque les nazis brûlèrent sur un coin de trottoir l’intégralité de la documentation rassemblée par Magnus Hirschfeld. C’est là que débute le livre.
La plus grande partie du roman est le récit de ce moment, de cet exposé que déroule Livio, l’histoire de la vie de ce médecin juif, allemand, et homosexuel, qui conçut le premier centre de documentation sur la sexualité. Plus de vingt mille volumes traitant du sujet sous les angles les plus divers, scientifiques, littéraires, poétiques. Vingt mille volumes partis en fumée. On apprend une foultitude de choses sur cet homme, son combat pour abolir l’article 175 du code pénal allemand pénalisant l’homosexualité, la reconnaissance du Troisième sexe, sa lutte permanente pour l’égalité des droits entre hommes et femmes.
Mais l’auteure noue aussi très habilement l’histoire de Magnus Hirschfeld et celle de Livio, dans un parallèle qui prend corps au fil des pages. Car ce récit est surtout l’occasion pour le jeune garçon de faire son coming out, de livrer enfin aux yeux de tous sa propre homosexualité, au travers de tours et détours dans la vie de l’homme qu’il a choisi de raconter.
Brigitte Giraud fait doucement monter la pression, avec des phrases parfois courtes, parfois parcourues d’une multitudes de virgules, comme des pauses bienvenues dans un récit qui monte, qui monte, dont la tension ne cesse de croître. On voit les réactions de la professeure ; de Camille, son amoureuse transie ; de ses camarades, certains approuvant, soutenant, d’autres répondant violemment. C’est tout l’intérêt du livre que de mêler habilement une histoire ancienne et une intemporelle : l’acceptation de la différence.
Ce livre court et haletant est une nécessité dans notre société qui a encore tellement de mal à accepter ceux qu’elle considère comme hors normes. Surtout lorsque la prise de conscience de la différence – différence sexuelle en l’occurrence – se fait jeune. Les moqueries, la violence, ne sont jamais loin, les faits divers des journaux sont malheureusement souvent là pour le rappeler. Ce livre est salutaire, et sa lecture doit être faite par tous, grands et jeunes, parents et enfants. Pour comprendre, pour parler, pour apprivoiser, pour accepter. Pour ne pas avoir peur de dire, dans un jour de courage qui devrait, ce serait le véritable signe de l’évolution de notre société, ne plus en être un.
Alors ce livre il est pour qui ? Il doit être lu des ados, vraiment, et de leurs parents. Par les enseignants certainement. Par tous ceux qui se disent être tolérants, ou ceux dont on pensent qu’ils ne le sont pas. Pour qu’un jour, oser dire les choses ne soit plus faire preuve de courage.
Marie-Eve