Le plaisir d’une madeleine retrouvée

Auteur de plus d’une trentaine de romans, et deux ans après la parution de « Chevreuse », Patrick Modiano revient avec « La Danseuse ». On y retrouve les thèmes chers à l’auteur : un Paris disparu que le narrateur arpente inlassablement, le temps passé, les souvenirs, les milieux troubles ou interlopes, les femmes.

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Duchess

Chris Whitaker, traduit de l’anglais par Julie Sibony, Sonatine, mai 2022, 520 p., 23€

Il y a des livres que l’on apprécie pour le ton, le style. D’autres parce qu’ils nous apprennent quelque chose. D’autres encore parce que l’histoire nous est familière, que l’on aime à s’y retrouver. D’autres qui nous font rire. Et puis il y a ceux que l’on prend un jour comme ça, sur une pile très haute, ou au contraire un peu au milieu, parce que la couverture, parce que l’on se souvient en avoir entendu dire du bien, on pour une autre raison, on ne sait pas très bien. On ouvre, on lit deux trois pages le soir histoire de se dire qu’on commence un nouveau livre avant de se coucher. Et puis on est embarqué, l’heure passe, les pages se déroulent, les journées s’enchaînent avec la perspective heureuse de le retrouver. Ici pas de grande phrase, la construction est classique, pas de prouesse stylistique. Mais tous les ingrédients d’un récit romanesque : des personnages attachants et tout en nuances, des obstacles, des rebondissements, des mystères qui se lèvent et se dévoilent. Vous êtes prêts ? Alors écoutez…

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Connemara

Nicolas Mathieu, Actes sud, janvier 2022, 396 p., 22€

Connemara est une histoire d’amour sur fond de roman social. Rien de nouveau me direz-vous dans le thème ? Oui mais. Oui mais il y a la manière, et là, Nicolas Mathieu est un véritable alchimiste, maître en l’art de changer le banal en sublime. Gros coup de cœur de cette rentrée d’hiver.

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Ton absence n’est que ténèbres

Jón Kalman Stefánsson, Grasset, janvier 2022, 602 pages, 25€, traduction de l’islandais d’Éric Boury

Voici un livre où l’amour et la lumière règnent. Un livre dans lequel on s’immerge et se prélasse, comme dans l’eau sulfureuse dans laquelle se baignent deux des personnages du roman, et dont on n’a plus envie de sortir.

Tout au nord de l’Islande, au fin fond d’un fjord qui a la « forme d’une étreinte » (on vous laisse savourer la métaphore…), un homme, amnésique, cherche ses souvenirs. Ce faisant c’est l’histoire d’une famille sur plusieurs générations qu’il raconte, histoires d’amour, d’abandon, de trahison, de lumière et de ténèbres. Un des plus beaux livres qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années.

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Toucher la terre ferme

Julia Kerninon, L’Iconoclaste, janv. 2022, 116 p., 15€

J’avais adoré « Liv Maria », et « Ma dévotion« , et je me suis délectée à l’idée de ce nouveau livre. Beaucoup d’attente donc sur « Toucher la terre ferme »…

Et alors il est comment le dernier Julia Kerninon ? Il est sublime tout simplement. Il est aussi court qu’il est intense, il parle de l’amour, de la maternité, du fait d’être soi, du temps qui passe, de la permanence, de l’écriture, de la lecture. De la vie quoi.

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La jeune femme et la mer

Catherine Meurisse, Dargaud 2021, 114 pages, 22,50€

Catherine Meurisse était en résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto en 2018 et ce livre est en le fruit. Largement inspiré du roman de Soseki « Oreilles d’herbes », il met en scène la dessinatrice qui, en mal d’inspiration, croise le chemin d’un peintre lui-même en mal d’inspiration. Le dessin de Catherine Meurisse est aussi merveilleux et fin que d’habitude, le côté japonisant en plus lui apporte un surplus d’esthétisme, qui en fait un véritable bijou.

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Les grandes oubliées – Pourquoi l’histoire a effacé les femmes

Titiou Lecoq, L’Iconoclaste, sept. 2021, 326 p., 20,90€

Voici par excellence le livre dont on se dit : mais comment et pourquoi n’a-t-il pas été écrit avant ? En un peu plus de 300 pages, Titiou Lecoq brosse l’histoire de l’humanité, ou plus précisément l’histoire des femmes. Ce qu’elles ont fait de remarquable, tout aussi bien ou mieux que les hommes, qui elles étaient, pourquoi l’histoire ne les a pas – ou peu – retenues (jusqu’à maintenant !). Et comment rompre la chaîne. Un livre « à lire absolument » comme le dit si bien Michelle Perrot dans sa préface.

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Mahmoud ou la montée des eaux

Antoine Wauters, Verdier, août 2021, 131 pages, 15,20€


« Les mots ne sont que les bras armés du silence ». Une des phrases magnifiques de ce magnifique livre, qui dit bien, sobrement, son contenu. On n’ose dire qui le résume car comment le résumer ? Ce livre c’est un chant, un cri, une preuve s’il en était besoin que la longueur n’est pas l’aune de la valeur, et que la poésie est souvent la forme parfaite pour raconter le monde. Mieux que les mots qui décrivent, ceux qui suggèrent sont les plus forts.

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L’île des âmes

Piergiorgio Pulixi, Gallmeister 2021, 538 pages, 25,80€

Eva Croce et Mara Rais, formant une équipe nouvellement constituée au service des « crimes non élucidés » de Cagliari nous entraînent ici dans une intrigue palpitante, sur fond de meurtres rituels. Ce livre est une pépite : roman noir, suspense qui monte, duo de policières de choc, dépaysement garanti (on est au cœur de la Sardaigne, ses rites, ses silences), ironie mordante. Tous les ingrédients du très très bon roman sont réunis.

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Normal People

Sally Rooney, éditions de l’Olivier, mars 2021, 320 p., 22€

Qu’est-ce que c’est, être « normal » quand on a dix-sept ans ? Qu’on va au lycée, qu’on n’a pas d’amis, qu’on est suprêmement intelligent, qu’on n’est pas intégré ? Est-ce une situation qui dure, qui s’installe ? Après le magnifique « Conversations entre amis », Sally Rooney nous offre dans ce deuxième livre une réponse tout en finesse et délicatesse.

Marianne a dix-sept ans justement, et vit dans une petite ville d’Irlande, et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas vraiment bien dans sa peau, et se pose quelques questions. Au lycée, elle est amenée à croiser Connell. Tout le contraire d’elle ! Il est normal lui, ou en tous cas il en a l’air ! Suprêmement intelligent également mais plein de charme, intégré, « populaire », plein d’amis, de petites amies, amies qui la plupart du temps l’indiffère. C’est normal ça ?

Évidemment les deux se connaissent (la mère de l’un est employée chez la mère de l’autre). Évidemment il va se passer quelque chose entre eux.

Et puis ils vont grandir, changer. Les scènes se succèdent à quelques semaines, où mois d’intervalle, créant ces creux que l’on comble avec l’imagination.

Sally Rooney nous raconte avec la même sensibilité dont elle avait fait preuve dans « Conversation entre amis », les affres de l’adolescence et de l’entrée dans l’âge adulte. Le regard sévère que l’on peut porter sur soi. L’importance des autres. Les occasions ratées. L’indicible qui prend une place démesurée. La vie quoi !

Alors ce livre il est pour qui ? Ce livre est un bijou de sensibilité, qui devrait intéresser tout le monde, y compris les jeunes, à partir de 16 ans sans problème. Ça devrait les rassurer ! À lire sans tarder !

Marie-Eve

Betty

Tiffany Mc Daniel, Gallmeister, août 2020, 720 p., 27,50€

Voilà un livre sur lequel j’aurais : ou envie d’écrire et parler pendant des heures ; ou envie de me taire en disant juste « lisez-le, en confiance, sans rien en savoir, sans rien en attendre, lisez et vous serez transporté, il n’y a pas de mots assez forts pour en parler ». D’ailleurs, vous pouvez arrêter la lecture de ce billet juste après avoir lu cette phrase, et attendre demain l’ouverture des librairies pour aller vous procurer ce livre. Ou le lire  jusqu’au bout, et j’espère réussir à vous donner la même envie : c’est, pour moi, un des meilleurs livres de cette rentrée littéraire !

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